Eugène Ionesco, né Eugen Dimitri Ionescu (Écouter) le 26 novembre 1909 à Slatina (Roumanie) et mort le 28 mars 1994 à Paris (France), est un dramaturge et écrivain de langue française roumano-français. Il passe une grande partie de sa vie à voyager entre la France et la Roumanie ; représentant majeur du théâtre de l'absurde en France, il écrit de nombreuses œuvres dont les plus connues sont La Cantatrice chauve (1950), Les Chaises (1952), Rhinocéros (1959) et Le roi se meurt (1962). Ionesco est un de ces rares auteurs à avoir été reconnu de son vivant comme un « classique »40. Il a ainsi connu une renommée internationale fulgurante, d’abord au Royaume-Uni, où il a suscité de nombreuses polémiques avec le critique dramatique Kenneth Tynan (en). Ses pièces ont en outre connu un succès populaire jamais démenti, qui les a conduites des petites salles du Quartier latin (les Noctambules, le Poche, la Huchette17) où il a fait ses débuts, aux grandes scènes parisiennes (le Théâtre de l'Odéon, le Studio des Champs-Élysées, la Comédie-Française). Ce succès public a été ensuite confirmé par une reconnaissance institutionnelle : élection à l’Académie française ou autre prix T.S. Eliot-Ingersoll à Chicago.
Dramaturge, essayiste, romancier, conférencier qui se fait remarquer par un engagement politique, Ionesco devient, avec Rhinocéros, Le roi se meurt, La Soif et la Faim, Jeux de massacre et Macbett, série de grandes pièces tragiques, un écrivain occupant une place essentielle dans la littérature mondiale. Il faut cependant relativiser cet engagement. D'une part, il s'est toujours opposé au théâtre engagé et à Brecht41, déclarant dans un entretien radiophonique : « Je n'aime pas Brecht, justement parce qu'il est didactique, idéologique. »38 D'autre part, Rhinocéros a certes pour point de départ l'anti-nazisme, mais comme l'écrit Pascale Alexandre-Bergues, cette pièce « vise moins une idéologie précise que la question, plus générale, du dogmatisme ».
Eugène Ionesco est considéré, avec l'Irlandais Samuel Beckett, comme le père du théâtre de l'absurde, pour lequel il faut « sur un texte burlesque un jeu dramatique ; sur un texte dramatique, un jeu burlesque ». Au-delà du ridicule des situations les plus banales, le théâtre de Ionesco représente de façon palpable la solitude de l'homme et l'insignifiance de son existence. Il refusait cependant lui-même la catégorisation de ses œuvres sous la dénomination de théâtre de l’Absurde. Il disait : « Je préfère à l’expression absurde celle d’insolite. ». Il voit dans ce dernier terme un caractère d’effroi et d’émerveillement face à l’étrangeté du monde, alors que l’absurde serait synonyme de non-sens, d’incompréhension. « Ce n’est pas parce qu’on ne comprend pas une chose qu’elle est absurde » résume son biographe André Le Gall. En 1994, la santé de Ionesco se dégrade : il sombre alors dans la dépression et utilise la peinture comme thérapie. Il meurt dans le 14e arrondissement de Paris, à l'âge de 84 ans, et est enterré au cimetière du Montparnasse. Malgré l'instrumentalisation politique de la mémoire des tragédies qu'il évoque, Ionesco est non seulement « roi sans couronne » du théâtre de l'absurde, mais il est aussi considéré comme l'un des grands dramaturges français du XXe siècle.